Studio BrichetZiegler : leur vision des cours de design

Ces deux designers d’intérieur sont connus pour leur mobilier outdoor Weekend (Petite friture) et leur projet By Hands : de l’édition d’objets design façonnés en direct-live dans leur atelier à eux et rien qu’à eux. Pour Caroline et Pierre, chaque projet est une comme une formation en soi : « tu es toujours en phase d’apprentissage ». Ils ont choisi de transmettre leurs connaissances à des étudiants. Voici la vision des cours de design, côté salle des profs à l’école Camondo.

PAUSE : Qu’est-ce qui vous a donné envie de pousser la porte de la salle des profs ? 

Caroline : Au moment de lancer notre studio, nous cherchions des éléments de stabilité. Nous avions déjà donné des cours et participé à une résidence dans un collège. Un très beau projet avec des jeunes de 3ème en filière SEGPA (enseignement général et professionnel adapté). Nous avions travaillé sur le matériel scolaire et fait une petite expo à la fin avec les prototypes. 

Pierre : On a adoré cette expérience. Quand un élève vient te dire merci à la fin de l’année, c’est génial. Au début on voulait leur faire dessiner les choses avec nous, mais on s’est vite rendu compte que c’était trop compliqué. Ils n’avaient jamais fait ça alors il fallait orienter la façon de faire et aller vers le concret. On a dessiné des objets et on leur a proposé. Avec leurs retours, on a retravaillé les dessins.

PAUSE : C’est facile de devenir « prof » ?

Pierre : Non ça n’est pas évident ! Car même si on pratique au quotidien, il reste la question de la pédagogie et de la légitimité. Et puis, il faut s’adapter en permanence. Pour que nos cours restent passionnants, on se remet en cause tous les ans. 

PAUSE : C’est quoi un cours dont on est fiers à la journée ? 

Caroline : Un cours réussi, ça se voit à la fin, quand un projet est terminé. C’est là que l’on se rend compte si l’on a réussi à les emmener là où on le voulait, ou pas. 

Pierre : Un cours réussi c’est quand il y a eu de bons déclics. Qu’on a réussi à les intéresser, les impliquer, leur donner les bonnes références. 

Tabouret vent contraire - Collection by Hands.

Tabouret vent contraire - Collection by Hands.

PAUSE : Et pour ça, il y a une méthode, un secret, une patte « Brichet/Ziegler » ?

Pierre : Non ! La différence c’est vraiment sur la passion. Car même sur des sujets imposés qui paraissaient boiteux, on a eu des résultats de dingue quand les élèves étaient bien impliqués. 

Caroline : Moi ce que j’aime c’est leur laisser beaucoup de liberté. Même quand je ne suis pas persuadée qu’ils ont choisi la bonne direction. Je leur fais confiance et j’attends que le déclic vienne d’eux. Parfois je me sens responsable si le rendu n’est pas à la hauteur, mais souvent je suis agréablement surprise quand le projet prend une belle ampleur. 

PAUSE : Vous avez aussi des étudiants qui vous surprennent ? Qui partent dans des directions inattendues ?

Pierre : Oh oui, et c’est ça qui est beau ! Sur ce fameux sujet imposé, l’objectif était de créer des objets faisant appel aux 5 sens. Du côté des profs, pas d’idées géniales. En discutant avec les élèves, les idées ont fusé dans tous les sens. J’ai eu des projets super drôles et bien ficelés. Vous y auriez pensé vous à un parcours d’aventures façon Indiana Jones pour hamster ?

PAUSE : Vous avez plutôt besoin de les canaliser ou de les pousser ?

Pierre : Il faut les pousser ! Moi je suis passionné par mon métier de designer et c’est ça mon job : partager cette passion avec eux. Du coup je leur montre plein de choses et surtout je leur raconte des histoires. Car il y a toujours une belle histoire derrière un beau projet de design. Mon objectif c’est qu’ils comprennent qu’il ne s’agit pas seulement de réaliser un beau dessin. On ne se limite pas à Instagram. On pousse l’enquête plus loin sur chaque objet. 

Collection week-end - Edition Petite Friture

Collection week-end - Edition Petite Friture

PAUSE : Est-ce que ça vous a amené de nouvelles idées pour des projets à vous ?

Caroline : Non pas vraiment, car d’une part les étudiants franchissent tous des étapes nécessaires : on voit des projets similaires chaque année. Et puis surtout parce que ce ne sont pas nos projets, donc on ne s’en inspire pas ! En revanche, suivre ces élèves nous fait réfléchir de façon plus globale à notre métier et notre pratique. 

PAUSE : Vous participez aussi au projet MANUFACTO, vous pouvez nous en dire un peu plus ?

Caroline : C’est la fondation Hermès qui a monté ce projet il y a 2 ans. L’idée : donner envie aux élèves (du primaire jusqu’au lycée) de s’intéresser à nouveau aux métiers de la main. Un artisan en menuiserie, sellerie et maroquinerie accompagne une classe pendant une douzaine de séances. L’objectif : transmettre son savoir-faire et fabriquer un objet que les élèves garderont à la fin. En partenariat avec les artisans, nous avons dessiné les objets qui sont fabriqués en classe. C’était un challenge de faire participer les élèves à des manipulations longues (couture à la main) dans des séances aussi courtes. C’est un projet fabuleux. La fondation Hermès accompagne très bien le projet et les artisans sont extraordinaires. Il y avait 6 classes la première année, cette année elles seront 30. Est-ce que ça suscitera des vocations ? On n’en sait rien, mais si on a pu aider 1 ou 2 gamins à trouver sa voie, c’est toujours ça.

PAUSE : Est-ce que vous vous souvenez d’un cours, d’un apprentissage ou d’un prof qui a changé votre vie ou qui a été décisif ?

Caroline : C’est peut-être des profs les plus durs dont on se souvient le plus. Avec le recul, on les remercie en fait. Nous on avait un prof que l’on craignait et qui est devenu un ami aujourd’hui. Même la designer pour qui j’ai travaillé au début avait une réputation terrifiante. Au final, on apprend à les connaitre. J’ai eu un prof qui nous reprenait tout le temps quand on disait : « Mon projet ce serait de… », il nous interrompait : « Parle au présent, ton projet il est là, il existe ! » Aujourd’hui je dis exactement la même chose à mes étudiants.

PAUSE : Est-ce que vous faites des pauses régulièrement et quel type de pause ?

Pierre : Dans le travail, on ne fait pas vraiment de pause. Mais on ne bosse que rarement dans l’urgence. On a réussi à trouver un rythme paisible. On s’octroie toujours du temps juste pour dessiner ou surfer sur internet. On s’octroie plein de petites pauses même si on reste devant nos ordis. 

PAUSE : Et dans vos vies ?

Pierre : Moi j’en fait plein. Je fais du sport tous les 2 jours. Je peux aussi me poser le soir pendant 1h et écouter de la musique. Et depuis quelques temps, je me suis remis à la maquette. Je me fais une demi-heure tous les soirs… Des maquettes comme quand j’étais gosse sauf que maintenant j’ai le pouvoir d’achat pour être équipé correctement ! Je m’amuse et ça m’a appris à être plus précis et surtout plus patient. Je le ressens au quotidien surtout quand on est à l’atelier. 

Caroline : Moi je n’ai pas beaucoup de pauses. Il y a plein de trucs que je ferais si j’avais le temps ! Prendre un bouquin, aller en terrasse au soleil… mais c’est un peu toujours la course.

Enfin si, dessiner des choses abstraites, colorier, c’est un peu hypnotique. Mais souvent ma pause je la remets au lendemain. 

Porte-monnaie - Projet manufacto

Porte-monnaie - Projet manufacto